Et elle pourrait voir sa vie défiler devant ses yeux, en se plongeant toute entière dans le mouvement sinistre de ces aiguilles d'acier. Elle pourrait, si seulement elle était capable de se souvenir de cette vie. Mais dans ce silence mémoriel, elle ne voyait que du vide. Une étendue inexistante. C'est tout ce qu'elle voyait dans cet immense cadran qui la narguait de toute son immensité alors que sa pâle image se reflétait en son centre. Elle s'approcha, d'un petit pas, et avança le bout de ses doigts fins jusqu'à ce spectre, ce clone tordu. Elle effleura son propre visage, comme si elle se découvrait pour la première fois. C'était à elle, ces jolis cheveux blancs ? C'était à elle, ces brillants yeux rouges ? Elle porta son autre main à son propre visage, celui qui était réel, pour s'en assurer, pour toucher sa chaire glacée. Et puis, l'heure arriva.
Les aiguilles, dans leur mécanisme infatigable, leur faim insatiable, dévorèrent les dernières minutes, les dernières secondes. Il lui avait pourtant semblé qu'elles étaient encore au début de leur folle course infinie. Pourtant, les voilà déjà à la fin, prêtes à recommencer. Dans un rugissement inhumain, elles annoncèrent dans un crissement effroyable de cloches invisibles l'arrivée de ce qui semblait être Minuit. Elles pointaient le douze d'un doigt de métal cinglant. Le bruit discordant qui émanait dès lors du clocher s'amplifia de plus en plus, jusqu'à ce que le son du carillon diabolique semble tordre de sa puissance l'air ambiant.
Il ne semblait pas. Autour d'elle, tout semblait onduler dans une danse psychédélique et chaotique. Autour d'elle, tout semblait progressivement se désagréger. Silencieusement, comme un fantôme qui s'éclipse doucement, l'escalier illogique qu'elle venait d'utiliser tomber lentement en poussière, se perdant progressivement dans ce vide abyssal. Silencieusement, accompagné du bruit du Minuit sonnant, le clocher se tordait également et s'écroulait de toute sa grandeur, tombant lui aussi dans les ténèbres qui engloutissaient tout ce qui tombait dans leur gueule béante. Ténèbres cannibales qui semblaient même se dévorer eux-mêmes dans cette mascarade obscure. Seule subsistait la marche sur laquelle la demoiselle était encore.
Elle regarda vivement autour d'elle, vérifiant si le paysage avait désormais changé. À part le vide qui se faisait désormais plus important, l'inexistant restait comme il était. À part le silence qui prenait de nouveau ce qui lui revenait de droit, le néant persistait. Puis, une force invisible sembla la pousser. Elle chuta. Elle sombra elle aussi dans le vide. Elle se débattait, affolée, alors que ses yeux humides de larmes de terreur se perdaient dans la contemplation de cette noirceur étouffante. Le Temps sembla se décliner en une odieuse éternité tant la chute sembla longue. Et elle tomba sur le sol, aussi doucement que si la chute n'avait jamais été réelle.
Au départ, il lui sembla se trouver encore une fois sur une surface invisible. Toutefois, en y regardant de plus près, elle constata que la réalité qui se trouvait sous ses pieds était déformé par une matière de verre. Elle se trouvait sur un gigantesque sol transparent qui rendait l'infinité d'ombres qui grouillaient encore en bas bien plus biscornues qu'elles ne l'étaient déjà.
Agenouillée sur cette glace frigorifiée, les yeux rivés sur le spectacle invisible qui se déroulait sous ses yeux, l'Inexistant décida de lui offrir une nouvelle distraction. Les ténèbres s'accordèrent dans une sublime danse afin de lui permettre d'admirer un spectacle. Le spectacle d'une vie. Comme dans un vieux film en noir et blanc, elle voyait, déformée par le verre, une ville prendre vie. Immeubles, clochers, et des passants. Elle se voyait avancer, s'enfonçant un peu plus dans les rues. Jusqu'à tomber nez-à-nez avec une autre personne. Une personne ? Une masse d'ombre déformée. Seuls ses yeux bleus étaient visibles au milieu de cette noirceur.
Dans un ricanement sournois, le verre se brisa, seule protection face au vide, et elle chuta de nouveau. Elle plongea dans l'image qui s'étendait sous elle, l'éclaboussa de sa présence, l'effaça dans une ondulation aquatique.
Et de nouveau, elle nageait dans le vide.
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